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Chapitre 2 :   Le système visuel humain

Cette description est tirée de [28].
 

Le système visuel peut être subdivisé en trois sous-ensembles, représentant le cheminement de l'information visuelle de l'oeil vers le cerveau. Le couple oeil-rétine, d'abord, officie comme capteur des signaux lumineux. Ensuite, le nerf optique, le chiasma et le corps genouillé latéral permettent la transmission nerveuse de l'image au cortex, enfin, où elle est décodée (figure 2.1). Chaque étape influe sur le signal transmis. Des pré-traitements sont effectués mais aussi des pertes y sont occasionnées.
 


Système visuel humain

Figure 2.1 : Le système visuel humain


2.1   L'oeil

L'oeil est composé de plusieurs éléments qui ont chacun une influence dans le cheminement de la lumière et la compréhension du signal optique par le cerveau1, (figure 2.2).
 

L'oeil

Figure 2.2 : L'oeil


Parmi ces éléments, les plus importants sont :

2.2   La rétine

C'est la membrane la plus interne de l'oeil (un prolongement du nerf optique). Elle reçoit les signaux lumineux, et assure leur transmission au cerveau par l'intermédiaire du nerf optique. La rétine possède plusieurs zones où l'acuité visuelle varie.

La fovea est la zone d'acuité maximale. Décalée de 4 degrés par rapport à l'axe optique, elle contient en son centre, la foveola où les cellules photo-réceptrices sont moins nombreuses. La région périphérique de la fovea est colorée en jaune, ce qui accroît l'acuité visuelle et compense le défaut de cellules photo-réceptrices par rapport à la fovea. Notons enfin que la zone où émerge le nerf optique s'appelle la tâche aveugle. Elle ne contient aucune cellules photo-réceptrices.

Outre une organisation spatiale, la rétine possède aussi plusieurs couches. La couche externe est composée de cellules photo-sensibles, les bâtonnets et les cônes. Ces photo-récepteurs reçoivent l'information optique par l'intermédiaire de pigments visuels et doivent la transmettre au cerveau par influx nerveux (figure 2.3) grâce à plusieurs types de cellules. Les cellules bipolaires, d'abord, font le lien entre les photo-récepteurs et les cellules ganglionnaires. Il en existe deux types. Les petites sont associées aux cônes et les grosses aux bâtonnets. Les cellules horizontales et amacrines, elles, sont chargées de propager l'information latéralement.
Enfin, l'impulsion visuelle est propagée via les cellules ganglionnaires, en contact avec les fibres du nerf optique.
 


La rétine

Figure 2.3 : La rétine


Il faut noter qu'il existe trois types de cônes : S, M et L (pour short, medium et long wavelength). Leurs sensibilités maximales sont respectivement de : 420nm, 530nm et 560nm. Les bâtonnets, eux, ne sont sensibles que pour des longueurs d'ondes inférieures à 495nm.

Ces photo-récepteurs fonctionnent selon trois modes :

De plus, leur répartition n'est pas égale dans la rétine. Ainsi, les cônes ne sont pratiquement présents que dans la fovea avec une densité maximale de 150000/mm2. Celle-ci décroît de manière concentrique. A 40 degrés de l'axe visuel, on considère la densité des cônes comme trop faible pour avoir une influence sur la vision.
Les bâtonnets, eux, ne sont pas présents dans la foveola et très peu dans la fovea. Leur densité maximale est d'environ 160000/mm2 à 20 degrés. La vision à la périphérie de la rétine est donc monochromatique et ne sert qu'à la détection des mouvements. La figure 2.4 illustre cela.
 

Répartition des cônes et batonnets

Figure 2.4 : Répartition des cônes et des batonnets


2.3   Transmission de l'information au cerveau

Les deux nerfs optiques se rejoignent au niveau du chiasma. Il y a alors séparation suivant le champ observé. L'information gauche est envoyée vers l'hémisphère droit et inversement. Les reliefs peuvent ainsi être détectés par comparaison des deux demi-images. Le signal optique, transformé en signal électrique par la rétine, arrive alors au cortex où il est analysé. Des phénomènes complexes entrent en jeu. Ainsi, la perception visuelle dépend des facteurs environnants comme le bruit. L'état de fatigue ou de stress joue aussi un rôle dans la compréhension de l'image fournie.

2.4   Les phénomènes importants de la vision

2.4.1   L'accomodation

L'accomodation est la faculté d'adapter l'oeil en fonction de la distance aux objets observés. C'est le rôle de la cornée et du cristallin qui, en se déformant, ajustent l'image projetée sur la rétine. L'hypermétropie et la myopie sont les troubles visuels issus du dysfonctionnement de l'accomodation. Ces problèmes sont corrigés par l'ajout d'une lentille convergente ou divergente devant la cornée.
 

2.4.2   L'adaptation à la lumière

L'intensité lumineuse à la surface de la terre varie beaucoup. Ainsi, l'éclairage peut varier de 1015W.cm-2 entre une journée ensoleillée et une nuit sans lune. L'oeil doit être capable de capter les photons dans l'obscurité mais aussi de se protéger d'une lumière trop vive ; ceci grâce à un système d'adaptation à la lumière.

Ce phénomène s'illustre facilement. Lorsque nous quittons un endroit fortement éclairé pour un autre plus sombre, nous sommes temporairement aveugles. Après quelques secondes, notre vision se rétablit. C'est également le cas dans la situation inverse.

Plusieurs modes permettent cela.

La régulation de la quantité de lumière atteignant la rétine

L'iris est capable de modifier la forme et la taille de la pupille. Une pupille large laissera passer beaucoup de lumière (mode nocturne), et inversement. Ce phénomène très rapide n'est cependant que temporaire. Il permet aux autres dispositifs plus lents de se mettre en place.
La régulation peut se faire aussi par des mouvements rétiniens. En effet, en vision nocturne, les bâtonnets sont allongés et les cônes contractés. L'effet inverse se produit en vision diurne. Toutefois, ce mécanisme est, à l'heure actuelle, peut connu.

Le pigment visuel

Composé de rhodopsine2 il a pour charge d'absorber les photons et d'exciter les cellules visuelles. Cette molécule possède, de plus, la propriété de blanchir avec l'intensité lumineuse. Son pouvoir absorbant est alors réduit. Il faut 7 minutes aux pigments visuels des cônes pour se régénérer et 40 minutes pour ceux contenus dans les bâtonnets. C'est pour cette raison que nous sommes moins gênés par une lumière forte soudaine que par l'entrée dans un tunnel très sombre, par exemple.

Le traitement neural des informations

Ce dernier phénomène est encore mal compris. Cependant, il semble que les neurones en contact avec les cellules rétiniennes jouent aussi un rôle dans le contrôle du gain.
 

2.4.3   L'acuité et la sensibilité

L'acuité est le pouvoir de résolution, c'est à dire la faculté de déceler de très petits objets. Pour cela, il faut que l'image fournie par le système optique (la cornée et le cristallin) soit de bonne qualité. Cela dépend aussi des caractéristiques physiologiques de chaque rétine. Ainsi, on compte 7 millions de cônes et 120 millions de bâtonnets pour seulement un million de fibres dans le nerf optique. L'information est donc compressée avec pertes. Les signaux reçus par deux cellules proches seront combinés vers une seule fibre. Plus la distance entre deux photo-récepteurs telle que deux fibres nerveuses soient sollicitées est réduite, meilleure est l'acuité visuelle. Il faut noter aussi que cela dépend de l'intensité lumineuse des sources observées.

La sensibilité, elle, est l'aptitude à détecter de faibles quantités de lumière. Elle dépend de la longueur et de la surface des photo-récepteurs. Ce sont donc les bâtonnets qui offrent une meilleure sensibilité à la lumière. C'est pourquoi, il est communément admis que la région périphérique à la fovea, plus riche en bâtonnets, détecte l'information de luminance.
 

2.4.4   La transduction visuelle

La transduction est la conversion de l'énergie lumineuse en impulsions électriques. Si les études menées ont porté sur les bâtonnets, il semble que les cônes fonctionnent de manière similaire.
La perméabilité des cellules des bâtonnets permet le passage des ions et provoque une excitation électrique sur le nerf optique. L'hyperpolarisation des cellules visuelles est régie, notamment, par l'ion sodium. Cependant, ni le mécanisme en jeu, ni l'influence d'autres substances telles que l'ion calcium ou le guanosine 3',5' n'ont pu être approfondis pour l'instant.

Les physiologistes ont quand même défini une loi mettant en relation l'intensité lumineuse et la réponse du récepteur (cf. figure 2.5). Cette loi prend la forme d'une sigmoïde.
 


Fonction Transducer

Figure 2.5 : Fonction Transducer


2.4.5   La vision des couleurs

La couleur dépend de la discrimination des longueurs d'ondes dans le spectre. Deux facteurs permettent de qualifier une couleur : le ton qui est la longueur d'onde prédominante et la saturation, c'est à dire la quantité de cette longueur d'onde par rapport à la distribution spectrale.

Cependant, il convient de faire un distinguo entre la notion de couleur physique et la perception de celle-ci. Ainsi, certaines espèces animales ont une vision seulement monochromatique ou dichromatique3 (un seul ou deux types de cônes dans la rétine).

L'homme est considéré comme trichromate. La première théorie, développée par Young en 1802 puis Helmholtz, suggérait que la rétine contient trois types de cônes aux sensibilités spectrales différentes (rouge, vert, bleu). Certaines critiques furent émises. En 1878, Hering a proposé une approche alternative. Selon lui, l'homme serait sensible aux différences de couleurs. Ainsi, les oppositions noir/blanc, rouge/vert et bleu/jaune décriraient la vision chromatique humaine.

Des études récentes (cf Padgham & Saunders, [26]) semblent attester que les deux théories sont présentes. Les cônes seraient bien sensibles au rouge, vert et bleu comme indiqué par Young et Helmholtz. Il y aurait, de plus, un phénomène chimique dans la rétine. L'information sur les oppositions de couleur serait aussi transmise au cerveau, le jaune étant obtenu par combinaison du rouge et du vert.
 

2.4.6   Le rôle des fréquences et orientations

De nombreuses études ont montré l'importance de l'organisation fréquentielle de l'image dans sa compréhension. Pour le cas des orientations, la littérature est moins abondante.
 

Fonction de sensibilité au contraste, CSF

Watanabe et al. [32] ont effectué des mesures sur des sujets humains. Le but était de connaître leur sensibilité au contraste en fonction de la fréquence spatiale. La figure 2.6 montre les résultats.

On observe que les personnes testées sont plus particulièrement sensibles à des fréquences spatiales comprises entre 1 et 15 cycles par degrés. De plus, au delà de 50 cycles par degrés, l'oeil ne détecte plus rien.
 


CSF mesurée de Watanabe

Figure 2.6 : CSF mesurée de Watanabe


Les mesures de Campbell et al. [6] (figure 2.7) sont similaires.

CSF mesurée de Campbell

Figure 2.7 : CSF mesurée de Campbell


Des études ont été menées pour trouver une formule analytique proche des résultats expérimentaux. Parmi les plus connues, nous pouvons citer la formule de Mannos et Sakrison [19]. Celle-ci est une des premières solutions proposées. Elle est utilisée dans bon nombre de modèles.
CSF(f) = 2,6(0,0192+0,114f)e
-(0,114f)1,1
 
    (2.1)
Citons aussi la solution de Ngan et al. [24], plus récente, et donnant de meilleurs résultats.
CSF(f) = (0,31 + 0,69)e-0,29f     (2.2)

Les orientations

Il y a eu très peu d'études menées sur le sujet. Cependant, il est facile de se rendre compte intuitivement de son influence. Lorsque l'on regarde une image, nous sommes plus sensibles à l'aliassage sur des formes verticales ou horizontales qu'obliques. De la même manière, dans la vie courante, il est plus difficile d'ajuster un objet avec précision s'il est incliné à 45 degrés.
 

2.4.7   L'aberration chromatique

Cette sensibilité fréquentielle diffère selon le type de cônes. Des études ont montré que les cônes S ne détectaient rien au delà de 4 cycles par degré, [22], [27]. Nous devons donc utiliser trois fonctions CSF différentes.
La figure 2.8 montre deux CSF achromatique et chromatique.
 

Abérration chromatique

Figure 2.8 : Aberration chromatique


2.4.8   Le masquage

La détection d'une texture n'est pas seulement fonction de la fréquence spatiale locale. La présence d'autres textures dans la zone influe aussi. Considérons par exemple une image avec un fond texturé orienté horizontalement. Un objet ayant la même fréquence et la même orientation sera difficilement détectable. Si au contraire, cette objet est orienté verticalement, il sera mieux repéré. Donc, l'objet devra avoir un poids plus important en terme d'information significative (figure 2.9).
 

Masquage 1 Masquage 2

Figure 2.9 : Phénomène de masquage


2.4.9   La fonction psychométrique

On définit le seuil de détection comme l'inverse de la fonction CSF.
S
1

CSF
    (2.3)

Si le contraste est inférieur à ce seuil, on considère que le système visuel ne détecte rien, ou tout au plus une forme grise peu précise. Au contraire, si le contraste est supérieur, la zone de l'image est considérée comme significative. Mais, ce n'est pas une alternative binaire. La transition se fait progressivement. La probabilité de détection varie donc en fonction de l'écart du contraste calculé avec le seuil. Lorsque la distance est égale à 1, la probabilité vaut 75%.

C'est le rôle de la fonction psychométrique. La figure 2.10 montre un exemple. La forme sigmoïde est une bonne simulation du phénomène. Remarquons aussi la progression linéaire pour des valeurs proches du seuil.
 


Figure 2.10 : Fonction psychométrique


1
 Le lecteur trouvera de plus amples explications dans [1] et [29]
2
 pour les bâtonnets. La substance contenue dans les cônes dépend de leur type mais produit un effet similaire.
3
 Cette caractéristique se retrouve, très rarement, chez certains individus humains.

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